B comme BLANDIN : la maison de la Mémène

Pour ce ChallengeAZ 2023, je retrace l’histoire des maisons du village où j’ai grandi : Marigny, commune de Montreuillon dans la Nièvre.

La maison mise en avant dans le billet d’aujourd’hui est située dans le haut du village. Je la désignerai par la suite du surnom donné à son ancienne propriétaire, la « Mémène ».

Maison de la Mémène – Collection personnelle

Claude MINEAU et Françoise GAULON

Claude MINEAU et Françoise GAULON se sont mariés le 10 janvier 1774 à Mhère. Je leur connais quatre enfants : Léonard, Antoinette, Nicolas et Françoise. Claude MINEAU meurt avant 1798 ; Françoise GAULON décédera quant à elle le 13 mars 1823, après avoir fait donation de ses biens à ses enfants le 19 septembre 1819.

Françoise MINEAU épouse de Jean PETITIMBERT, la plus jeune, revend ses droits à son frère Nicolas le 20 août 1820. Le 20 février 1831, un partage est réalisé entre Nicolas MINEAU et les enfants d’Antoinette MINEAU, prénommés Léonard et Jean CHAPUIS. Ce sont Nicolas MINEAU et Léonard CHAPUIS (qui en plus d’être son neveu, est également son gendre) qui se voient attribuer les deux maisons.

Au décès de Nicolas MINEAU le 25 novembre 1832, Léonard CHAPUIS et son épouse Antoinette MINEAU se retrouvent donc seuls propriétaires des deux bâtiments.

Léonard CHAPUIS

Lors de l’établissement du cadastre en 1839, la parcelle G8-83 était une maison appartenant à Léonard CHAPUIS, époux d’Antoinette MINEAU. Léonard était également propriétaire de la maison de l’Henri et de la petite maison LABORDE (lettre U – G8-81), qui était louée à des fermiers.

Léonard CHAPUIS est né le 11 floréal an VIII (1er mai 1800) à Oussy. Il a épousé Antoinette MINEAU le 7 septembre 1829 à Montreuillon, qui était née à Marigny le 28 mars 1807. Léonard et Antoinette sont donc comme vous l’aurez compris cousins germains : Antoinette (la mère de Léonard) et Nicolas (le père d’Antoinette), étaient frère et sœur.

Le couple a eu sept enfants :

Le couple vit dans la maison jusqu’en 1873, date à laquelle ils vont emménager dans leur autre maison (lettre U) qu’ils ont fait reconstruire et agrandir en 1861 et qui était jusque là affermée. Ce sont leurs nouveaux fermiers qui vont alors occuper la maison.

Pierre TRAMECON, fermier de 1873 à 1884

Un bail est signé le 11 janvier 1873 avec Jean TRAMECON, meunier et Charlotte CHARTON sa femme, ainsi que Pierre TRAMECON meunier et Françoise GUYOLLOT sa femme, demeurant tous aux Grands Moulins commune d’Epiry.

Les CHAPUIS louent tous leurs biens situés à Marigny et à Oussy, « sans du tout rien réserver, sinon […] 2° la maison neuve habitée par les époux Chapuis, avec sa cour mais avec la condition que les preneurs jouiront seuls et exclusivement du grenier regnant sur ladite maison 2°bis le plus petit des toits à porcs qui se trouvent derrière cette maison 3° la cave à coté de la maison affermée 4° le grenier qui regne sur cette maison […] 10° la faculté pour les mêmes de laisser pendant tout le cours du bail deux ouvriers dans la maison affermée.« 

Lors du recensement de 1876, la maison est ainsi occupée par Pierre TRAMECON, fermier, son épouse Françoise GUYOLOT, leur fils Jean et quatre domestiques (à savoir Germain PARADIS, Joseph VATRAN, Claude PANNETIER et Louise COURSIER).

Pierre TRAMECON est né le 25 août 1849 à Tavenay, commune de Sardy-lès-Epiry, il est meunier aux Grands-Moulins lors de son mariage avec Françoise GUYOLOT le 4 septembre 1872 à Mhère. Françoise est née le 7 février 1853 à Jeaux, commune de Mhère. Le couple s’est ainsi installé à Marigny en tant que fermier des CHAPUIS peu après leur mariage. Plusieurs enfants naîtront à Marigny :

  • des jumelles mortes-nées le 6 juillet 1873 ;
  • Jean né le 13 octobre 1874 ; il se mariera à Paris le 9 avril 1901 avec Gabrielle Jeanne ANDRIEU ;
  • François Joseph né le 11 décembre 1876, qui décède le 2 mai 1877 à l’âge de 4 mois ;
  • Julie Maria née le 21 août 1879 ; elle épousera Auguste Félicien MIALHE le 27 mai 1905 à Paris.

Jean TRAMECON, l’oncle de Pierre, décède à Marigny le 8 juillet 1879 à l’âge de 54 ans.

Lors du recensement de 1881, on trouve dans la maison Pierre TRAMECON, fermier, son épouse Françoise GUYOLOT, leurs enfants Jean et Julie et toujours quatre domestiques (ce ne sont plus les mêmes : Etienne MARATRAT, Jean NOLOT, Françoise CHARNEAU et Claude CHARBONNEAU).

La famille quittera Marigny en 1884 après neuf années de bail. Pierre TRAMECON décédera à Paris le 23 mars 1896 à l’âge de 46 ans.

Le retour des CHAPUIS

Léonard CHAPUIS et Antoinette MIGNEAU, qui ont momentanément habité la maison PANNETIER entre temps (lettre K), reviennent alors dans leur maison d’origine (à croire qu’ils aiment déménager !).

Ce fait est établi dans un bail passé avec Etienne GRAILLOT et Marie GALLOIS le 31 mai 1884 pour des biens « consistant en bâtiments d’habitation et d’exploitation, cours, aisances, jardins, prés et terres, tels que les immeubles s’étendent et comportent ; les preneurs déclarant les bien connaître pour les avoir vus et visités, sans du tout rien réserver, si ce n’est […] 2° la maison encore habitée par les époux Chapuis avec sa cour servant autrefois d’habitation à l’ancien fermier Trameçon, de sorte que les fermiers entrés auront celle qui était occupée par les bailleurs précédemment 3° le plus petit des toits à porcs qui se trouvent derrière cette maison 4° la cave à côté de la maison des bailleurs.« 

Lors du recensement de 1886, la maison est donc à nouveau occupée par Léonard CHAPUIS, son épouse Antoinette MIGNEAU ainsi que leur fils Claude.

Le partage

Les propriétaires de la maison, Antoinette MINEAU et Léonard CHAPUIS, décèdent respectivement le 18 septembre 1886 et le 2 janvier 1887. Le partage de leurs biens est réalisé les 31 août et 22 septembre 1887 :

  • Claude CHAPUIS, propriétaire à Marigny, hérite de la maison et des bâtiments situés à Oussy.
  • Claude CHARNEAU cultivateur à Jerault, Pierre CHARNEAU cultivateur à Marigny et Jeanne CHARNEAU épouse de Toussaint GUDIN cultivateur à Tachely (les enfants de défunte Marie CHAPUIS épouse de Léonard CHARNEAU) héritent en indivision de la maison de l’Henri (lettre U).
  • Jeanne CHAPUIS la jeune, épouse de Dominique LECLERC, propriétaire et cultivateur à Fragny commune de Gâcogne, hérite de la petite maison LABORDE (toujours lettre U).
  • C’est Jeanne CHAPUIS l’aînée, épouse de Pierre CHARNEAU, propriétaire et cultivateur à Jerault commune de Vauclaix, qui hérite de la maison de la Mémène : « 1° l’ancienne maison Chapuis comprenant plusieurs pièces fournil à côté deux caves grenier toits aisances et dépendances devant et derrière, cour derrière commune pour le passage des deuxième et troisième lots et petit jardin devant et à côté le tout d’une contenance approximative de quarante centiares joint de nord led passage de midi un grand chemin de levant aussi et de couchant Renault
    2° tous les droits et parts indivis appartenant auxdits copartageants dans des vieux bâtiments situés aud Marigny comprenant grange, écurie avec cour aisances et dépendances devant le tout indivis avec Prévotat Germain et autres.
     » [il s’agit du bâtiment qui a précédé la maison de mon oncle – lettre G]

Le 16 juin 1888, devant Me GUENOT notaire à Corbigny, les époux CHARNEAU-CHAPUIS font donation de leurs biens à leurs trois enfants. C’est leur fille Jeanne CHARNEAU, épouse de Jean-Baptiste TARTRAT, qui obtient le troisième lot comprenant la maison de Marigny:

« Un ensemble de bâtiments et dépendances situé à Marigny commune de Montreuillon, consistant en une maison, deux caves a coté de la maison, une petite cour et un jardin contenant environ trois ares, le tout se tenant et tenant du levant et du midi au grand chemin du couchant au chemin de desserte et du nord à Léonard Renault.« 

Philippe BLANDIN et Françoise COLAS

Le 26 septembre 1889, Jeanne CHARNEAU et son époux Jean Baptiste TARTRAT, cultivateur à Certaines, vendent la maison à Philippe BLANDIN, journalier à Marigny, et son épouse Françoise COLAS. Ces derniers n’en auront la jouissance qu’à compter du 1er mai 1890, date à laquelle cessera le bail avec les époux GRAILLOT :

« Une vieille maison comprenant plusieurs pièces, fournil à côté, deux caves, grenier, toits aisances et dépendances devant et derrière, cour derrière commune pour le passage à plusieurs et un petit jardin devant et à côté le tout d’une contenance approximative de quarante centiares, joint de nord ledit passage, de midi un grand chemin, de levant aussi et de couchant Renault.« 

Lors du recensement suivant en 1896, on retrouve ainsi dans la maison Philippe BLANDIN, son épouse Françoise COLAS, leurs enfants Marie, Etienne, Maria, Jean-Marie, Célestine, Germain et Augustine. En 1901, les enfants présents sont Jean-Marie, Germain, Augustine, Jeanne et Jacques.

Le fils aîné, Etienne, fait partie de la classe 1904 (matricule 1534 à Nevers). Il est incorporé au 10e Régiment d’Infanterie d’octobre 1907 à juillet 1908. Sa fiche matricule nous apprend qu’il part vivre à Maisons-Alfort à partir de 1911. Il sera réformé en 1912 pour nystagmus et acuité visuelle inférieure à 1/4 pour les deux yeux. Il participera à la 1e Guerre Mondiale au sein du 20e Escadron du Train ; il sera hospitalisé à deux reprises pendant la campagne.

Fiche matricule d’Etienne BLANDIN – AD58

En 1906, Philippe BLANDIN, épicier, vit avec son épouse Françoise COLAS et leurs enfants Germain, Augustine, Jeanne et Jacques. Etienne est alors domestique à Retoule chez les ROBINOT ; Maria est placée chez les CAMELIN à Coulanges-sur-Yonne ; Jean-Marie est quant à lui à Lantilly chez les BOUSSARD.

Le deuxième fils Jean-Marie appartient à la classe 1909 (matricule 694 à Nevers). Il est incorporé au 37e Régiment d’Artillerie de 1910 à 1912 et obtient le certificat de bonne conduite. Il participera à la 1e Guerre Mondiale au sein du 48e Régiment d’Artillerie de Campagne, du 115e puis 418e Régiment d’Artillerie Lourde .

Fiche matricule de Jean-Marie BLANDIN – AD58

Lors du recensement de 1911, on retrouve Philippe BLANDIN, son épouse Françoise COLAS et leurs enfants Augustine, Jeanne et Louis. Germain Denis est domestique chez les SAULIN à Forges, commune de Corbigny.

Le troisième fils Germain Denis fait partie de la classe 1913 (matricule 645 à Nevers). Il est incorporé au 21e Bataillon de Chasseurs à Pied et part en campagne contre l’Allemagne à la mobilisation générale. Il est blessé le 26 septembre 1914 à Souain « Plaie en séton par éclat d’obus au 1/3 inférieur de la jambe gauche. Tétanos aigu suite de blessure. » Il décède le 9 octobre 1914 à l’hôpital de Castres, le jour de ses 21 ans.

Fiche matricule de Germain Denis BLANDIN – AD58
Germain Denis BLANDIN – Mort pour la France – Mémoire des Hommes

Quant au quatrième fils Jacques, il appartient à la classe de 1917 (matricule 1460 à Nevers). Il est incorporé dès janvier 1916, eu 42e Régiment d’Infanterie puis au 5e Régiment de Tirailleurs. Il sera hospitalisé à quatre reprises pour bronchite au cours de l’année 1916. Il sera cité à l’ordre du régiment : « Participant le 10-5-1918 à une reconnaissance au cours de laquelle il a montré beaucoup d’allant et d’énergie, a contribué sous un feu violent à protéger le repli de ses camarades qui se retiraient une fois leur mission terminée. » Sa fiche matricule nous apprend qu’il ira vivra à Auxerre à partir de 1923.

Fiche matricule de Jacques BLANDIN – AD58

Lors du recensement de 1921, tous les enfants sont partis : Philippe BLANDIN vit seul avec son épouse Françoise COLAS. Jacques est boulanger chez les PAGE à Corbigny ; Louis Germain est domestique chez les GOGUELAT à Blismes. Philippe BLANDIN et Françoise COLAS vivent toujours seuls en 1926.

En 1931, le petit dernier de la fratrie, Louis BLANDIN, vit temporairement chez ses parents avec son épouse Gilberte ROUMIER.

Philippe BLANDIN décède le 20 avril 1935 à Marigny à l’âge de 75 ans. Lors des recensements de 1936 et 1946, sa veuve Françoise COLAS vit donc seule dans la maison. Elle décédera à son tour le 16 mars 1953 à Lormes à l’âge de 89 ans.

En 1956, la maison sera rachetée par la famille LAMARTINE (des parisiens). Henri VERDIER en devient propriétaire en 1966 ; il agrandit la maison en 1969. En 1975, la maison deviendra la résidence secondaire de Patrick et Catherine MORLOT. Elle sera rachetée par Jeannine CARTERY veuve SCHNEIDER (la fameuse Mémène) en 1982 ; cette dernière épousera Henri RENAULT (de la maison de l’Henri – lettre U) qui décédera dans la maison en 2003 à l’âge de 74 ans.

17 réflexions sur “B comme BLANDIN : la maison de la Mémène

  1. Le suspens est maintenu jusqu’au bout : qui était la fameuse Mémène ?!
    Encore une fois, bravo pour ces recherches très complètes – je vais arrêter de le dire parce que ça devient redondant !!! « Global comment », comme je dis dans mon boulot…

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  2. Encore un chouette article, avec en plus du suspense ! Si j’étais dans un livre où vous êtes l’héroïne, j’irai voir en lettre K, tiens… 😉
    Je me demandais : les recensements de cette commune sont si précis que chaque maison est clairement identifiée ? Est-ce que les maisons sont toujours recensées dans le même ordre ? (Je me pose la question pour les recensements que j’étudie, comme il s’agit souvent de hameaux, je me demandais comment on pouvait être certains que la maison 1 en 1876 est toujours la maison 1 en 1886…)
    A demain pour la suite !

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    1. En voilà d’excellentes questions ! Alors la réponse est non et non. Les maisons ne sont pas numérotées donc basé sur le seul recensement impossible de dire qui habite où. Et d’une fois sur l’autre l’agent recenseur ne tournait pas dans le même sens… Si tant est qu’il y ait vraiment un sens car certaines années c’est complètement n’importe quoi. Et donc il faut croiser et recroiser les informations pour arriver à démêler et ne pas tirer de fausses conclusions. Ici ce sont les baux qui m’ont donné la clé car ma première déduction n’avait pas été de leur faire faire le yoyo entre leurs deux maisons (les bougres !)

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