X comme X : la maison détruite derrière chez mon oncle

La maison dont je vais parler ici n’existe plus et j’ai eu beaucoup de mal à la localiser et à mettre un X sur la carte pour noter son emplacement (je l’ai tout de même placée à trois endroits différents avant de trouver le bon…). Et ceci principalement parce qu’il y a une erreur sur les matrices cadastrales !

En effet le cadastre indique une maison sur la parcelle G8-60, qui correspond aujourd’hui au terrain de mon voisin Pitaine (lettre T). Mais de mémoire d’homme il n’y a jamais eu de maison là. Et plus embêtant encore le cadastre bâti et le non-bâti ne correspondent pas.

En comparant la transmission de la maison avec le cadastre non-bâti, deux parcelles pourraient correspondre : la parcelle G8-70 (partielle) ou la G8-66. Après investigation, je ne vois pas comment une deuxième maison aurait pu exister sur la parcelle G8-70 qui correspond à la maison de mes parents (lettre Y). A l’inverse, la mémoire de certains anciens mentionne une maison qui aurait existé derrière celle de mon oncle, au fond de l’actuelle parcelle AD47, ce qui pourrait tout à fait correspondre à l’ancienne parcelle G8-66. C’est une hypothèse que j’ai finalement réussi à confirmer (même si je n’exclus pas encore complètement que la maison ait été à cheval entre celle-ci et une parcelle voisine, la G8-65), et voici donc l’emplacement de la maison :

L’emplacement de la maison détruite derrière chez mon oncle – Collection personnelle

Sur le cadastre de 1839, la parcelle G8-66 correspond au bâtiment d’Antoine BOUCHEPILLON.

Parcelle G8-66 : Antoine BOUCHEPILLON et les autres

Le bâtiment G8-66 fait partie des biens abandonnés par Pierre BOUCHEPILLON et son épouse Marie JEANGUYOT le 17 novembre 1832 devant Me COTTIN, notaire à Ouroux, et partagés le 4 mai 1837 devant Me CAHOUET notaire à Montreuillon.

En 1839, Antoine BOUCHEPILLON est propriétaire de la maison de la Lilice (lettre A). Le 4 décembre 1842, il échange ses biens avec son frère Léonard, qui était jusque là propriétaire de la maison détruite au niveau de la bergerie à COLAS (lettre S). Le bâtiment qui nous intéresse aujourd’hui fait partie du lot et revient donc à Léonard BOUCHEPILLON.

Le 27 juillet 1846, Léonard, qui a entre temps quitté Marigny pour l’Huis Naudin, commune de Brassy, vend le bâtiment à Jacques PICOCHE, propriétaire cultivateur à Marigny : « une grange avec deux écuries sous un même faîte jardin à côté à l’aspect de sud, cour et aisances pardevant le tout situé à Marigny commune dudit Montreuillon et contenant environ six ares, borné à l’est par les cours et jardin de Jean Louis Bouchépillon et Léonard Gaulon au sud et à l’ouest par le pré de Jacques Tournois, au nord par les batimens de Jean Louis Bouchépillon et la place à fumier de Léonard Chappuis« .

Jacques PICOCHE revend le bâtiment dès le 31 août 1846 (soit un mois plus tard seulement !) à Antoine PICOCHE maçon à Chassy. Jacques PICOCHE quitte alors Marigny pour Blaisy, commune de Chaumard.

Les 18 et 23 mars 1851, Antoine PICOCHE revend à Antoine THOMAS, menuisier à la Vallée commune de Lormes, la partie nord du bâtiment : « une grange avec une écurie sous un même faite, cour et aisances pardevant, le tout situé à Marigny commune dudit Montreuillon et contenant environ six ares, borné à l’est par les cours et jardin de Jean Louis Bouchépillon et Léonard Gaulon, au sud par les maison et jardin de la veuve et héritiers d’Antoine Bonnet à l’ouest par le pré de Jacques Tournois, au nord par les batiments de Jean Louis Bouchépillon et la place à fumier de Leonard Chappuis.« 

Il avait donc vendu auparavant la partie sud (comprenant la deuxième écurie et le jardin) à Antoine BONNET, mais je n’ai malheureusement pas (encore) trouvé l’acte concernant cette transaction.

Antoine BONNET

L’acte de 1851 nous apprend que la maison existait déjà à cette date sur la parcelle G8-66, à la place d’une des deux écuries (et éventuellement à cheval aussi sur la parcelle G8-65 qui correspondait au jardin), alors que le cadastre la dit construite en 1867 sur la parcelle G8-60 ! (La déclaration au cadastre ne sera faite qu’en 1889, ce qui explique sans doute les « quelques » approximations !)

Pierre DAIGNAULT

Claudine GRAILLOT vit toujours à Marigny lorsqu’elle se remarie le 20 juin 1864 avec Pierre DAIGNAULT à Montreuillon. Pierre est natif de la commune d’Aunay-en-Bazois. Il est né à Vilette en 1818. Il y a épousé Marie JACQUET en 1842, qui lui a donné cinq enfants :

  • Marie, née en 1843 et décédée en 1849 à l’âge de 6 ans ;
  • Charles, né en 1847 et décédé à l’âge de 2 semaines ;
  • Marie, née en 1848 et décédée à l’âge d’un mois ;
  • Jeanne, née en 1851, qui épousera Pierre PERRIN en 1869 à Dun-sur-Grandry ;
  • Etienne dit Achille, né en 1855, qui deviendra maréchal et épousera Marie GIRARD en 1884 à Corbigny.

Marie JACQUET est décédée à Aunay le 24 décembre 1863 à l’âge de 44 ans.

Le couple DAIGNAULT-GRAILLOT s’installe d’abord à Aunay. C’est là qu’ils habitent lors du mariage de Charles BONNET (le fils du premier mariage de Claudine GRAILLOT) le 18 février 1867 à Dun-sur-Grandry. Charles habite quant à lui toujours à Marigny à cette date.

Le couple revient probablement s’installer à Marigny peu après.

Un acte daté du 22 mars 1873 permet de reconfirmer l’emplacement de la maison. Il s’agit d’un partage concernant la famille RENAULT, qui concerne entre autres la grange située sur la parcelle G8-63 :

Le bâtiment est ainsi confiné : « du levant à une écurie ci-après attribuée au troisième lot, du midi au pré de ce lot, du couchant au jardin et cour des mariés Daignault, du nord à Mad Prevotat.« 

Lors du recensement de 1876, on trouve dans la maison Pierre DAIGNAULT et son épouse Claudine GRAILLOT. En 1881, ils sont accompagnés de leur petit-fils Jean-Marie BONNET. Ils sont à nouveau tous les deux au recensement de 1886.

Entre temps, vers 1883, Pierre DAIGNAULT et Claudine GRAILLOT rachètent à Antoine THOMAS les bâtiments attenants à la maison, suivant acte reçu par Me TARDY notaire à Lormes.

Claudine GRAILLOT décède le 14 avril 1888 à Marigny à l’âge de 72 ans. La déclaration de mutation datée du 8 octobre 1888 confirme que la « maison avec jardin de 3 ares » lui appartenait en propre. Elle devient alors la propriété de son fils Charles BONNET, qui est devenu sabotier à Dun-sur-Grandry.

Quant aux biens de la communauté, ils sont attribués via un partage réalisé le 28 avril 1888 entre Pierre DAIGNAULT, cultivateur à Marigny, son second mari, et Charles BONNET, cultivateur à Dun-sur-Grandry, son fils et unique héritier :

  • le premier lot attribué à Pierre DAIGNAULT comprend « une grange couverte en paille, fenil dessus, cour devant de la largeur de lad grange, le tout joint de levant un chemin, de midi l’écurie portée au deuxième lot de couchant Charneau et de nord Laborde« .
  • le deuxième lot attribué à Charles BONNET comprend « une écurie simple située aud Marigny à côté et attenant à la grange ci-dessus, fenil dessus et cour devant de la largeur de lad écurie joignant de levant un chemin de midi Bonnet de couchant Charneau et de nord à la grange ci-dessus« . Il jouira d’un droit de passage sur la cour de Pierre DAIGNAULT pour l’usage de son écurie et de sa maison.

Pierre DAIGNAULT vit seul dans la maison lors du recensement de 1891.

Il revendra la grange à Pierre GUILLAUME le 1er septembre 1895 : « une grange couverte en chaume en mauvais état situé au dit lieu de Marigny avec fenil dessus et cour devant, le tout joignant au levant un chemin, au midi Bonnet, au couchant la veuve Petitimbert & au nord Laborde.« 

Etienne dit Achille DAIGNAULT, le fils de son premier mariage avec Marie JACQUET, le rejoint alors à Marigny. Je ne sais pas s’il est veuf ou s’il s’est séparé de sa femme. Ils vivent tous les deux lors du recensement de 1896.

Le 5 juillet 1896, Charles BONNET vend la maison à Pierre GUILLAUME, qui vit alors dans la maison de mon oncle (lettre G) : « une maison d’habitation ayant une pièce avec grenier dessus, un four, un toit à porcs, une écurie le tout couvert en chaume et un petit jardin à côté contenant trois ares environ, cour devant, joignant dans son ensemble au levant Renault, au midi Dussaule, au couchant Charneau et au nord l’acquéreur.« 

Ce dernier ne la gardera pas longtemps : Achille DAIGNAULT la rachète vers 1897.

Lors du recensement de 1901, la maison est toujours occupée par Pierre DAIGNAULT et son fils Achille, ouvrier maréchal.

Pierre DAIGNAULT décède à Marigny le 23 septembre 1901 à l’âge de 82 ans.

Achille va ensuite partir à l’hospice de Château-Chinon. Il décédera à La Charité le 27 décembre 1922 à l’âge de 67 ans.

La maison a certainement été laissée à l’abandon après le décès de Pierre et le départ d’Achille. Maurice GOSSET en est devenu propriétaire le 24 janvier 1932, l’ayant rachetée aux deux enfants et héritiers d’Achille DAIGNEAU. Elle a depuis complètement disparu.

Il me semble (mais je ne suis pas sûre vu la faible résolution) qu’on peut encore la distinguer sur la photo de 1948 du site « Remonter le temps » de l’IGN, tandis que seules quelques pierres restent en 1962. On distingue également juste au-dessus les ruines de la grange et de l’écurie, qui ont disparu elles aussi :

9 réflexions sur “X comme X : la maison détruite derrière chez mon oncle

  1. Stéphane

    Généralement le X marque l’endroit du trésor sur une carte mais il fait bien le job pour une maison disparue 😅 cela fait bizarre de voir ce terrain si vert et se dire qu’à une époque il y avait une demeure et ses habitants 😟

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  2. Si le cadastre fait disparaître des maisons disparues maintenant 🙃🙃 Bravo pour la résolution du mystère. J’aurais adoré partir à la recherche des indices comme tu l’as fait avec ton voisin, une passionnante chasse au trésor 🤗🤗

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