#ChallengeAZ : de l’utilisation des actes notariés

Tout au long du mois de novembre, je publie l’histoire des maisons du village où j’ai grandi : Marigny, commune de Montreuillon dans la Nièvre. J’ai eu beaucoup de demandes sur la méthodologie utilisée, et je profite donc des dimanches de pause pour revenir sur l’utilisation des sources : après les recensements et le cadastre, je termine avec les actes notariés.

Petit retour en arrière. Le 1er février dernier, je publiais un article sur ce blog évoquant mon projet de retracer l’histoire des maisons de Marigny. J’y évoquais les différentes sources que je comptais utiliser. Je me cite :

Si besoin, les déclarations de succession, les hypothèques et les actes notariés : je n’ai l’intention d’utiliser ces sources que pour résoudre les cas compliqués, et non de manière systématique comme je compte le faire pour les autres.

Vous me voyez venir ? Et oui… je me suis finalement résolue à éplucher de manière systématique les actes notariés de l’étude de Montreuillon !

Méthode

Il y a plusieurs points d’entrée possibles pour étudier les actes notariés.

Vu qu’on parle de généalogie foncière, une option serait de travailler avec les hypothèques. Malheureusement, les Archives Départementales de la Nièvre ne possèdent ni inventaire ni instrument de recherche pour la série 4Q. J’ai essayé malgré tout de les utiliser pour un acte bien particulier avec l’aide de la présidente de salle (donation et partage de 1899 pour lequel je n’avais pas accès au registre notarié). Malheureusement elle a fait chou blanc, ce qui n’est en fin de compte pas étonnant quand on regarde la notice explicative mise en ligne sur le site des AD82:

Extrait de la notice sur les hypothèques – archives82.fr

J’ai donc laissé de côté les hypothèques.

Autre possibilité pour rechercher dans les archives notariées : il est généralement recommandé de passer par les archives de l’enregistrement (série 3Q) : registres de recette des actes, tables des acquéreurs, des vendeurs, des baux, des donations, des partages… C’est particulièrement utile lorsqu’on ne sait pas dans quelle étude chercher.

Mais dans le cas qui me concerne, j’ai emprunté une autre voie : mon hypothèse de base (qui s’est avérée correcte) était que 80% des actes concernant le village de Marigny avaient été passés dans une seule et même étude, celle de Montreuillon. Et donc plutôt que de passer par l’enregistrement, j’ai décidé de m’attaquer directement aux répertoires du notaire, qui m’ont permis en consultant seulement deux cotes d’identifier tous les actes pertinents entre 1842 et 1898, quelle que soit leur nature.

Ne pas oublier également les déclarations de succession, qui mentionnent parfois l’existence d’inventaires ou de partages. C’est une autre méthode que j’ai utilisée pour identifier des actes intéressants.

Les archives de l’étude de Montreuillon

L’étude de Montreuillon a fermé il y a plus de 45 ans. Ses archives sont conservées aux AD58 dans la sous-série 3E 37 jusqu’à l’année 1898. Les notaires successifs sont :

  • Joseph BONAMOUR (1718-1748)
  • Jean GUILLOT (1751-1781)
  • André BONAMOUR (1782-an IV)
  • Jacques PESLE (1762-1813)
  • Jean Léger CAHOUET (1813-1842)
  • Marie Henri CAHOUET (1842-1880)
  • Charles François Octave PERUSSAUX (1880-1881)
  • Louis COURTIAL (1881-1891)
  • Charles Alexandre LEFEVRE (1891-1898)
  • Jean TACNET (1898-1921)
  • Louis COURTIAL (1922-1946)
  • Maurice NOEL (1946-1977)

Ma priorité pour ce projet était de reconstituer l’histoire des maisons de Marigny depuis la création du cadastre en 1839 jusqu’à nos jours. Je me suis donc concentrée sur les archives notariées de la période 1842-1898. Les archives postérieures n’ont pas été versées aux AD58, et je n’ai pas eu le temps de remonter plus loin dans le temps.

J’ai donc épluché les répertoires suivants :

  • 3E37/82 – répertoire de Me CAHOUET (1842-1880)
  • 3E37/122 – répertoire de Me PERUSSAUX, COURTIAL et LEFEVRE (1880-1898)

Suite à cet épluchage, j’ai identifié 42 cotes intéressantes et j’ai photographié 156 actes (que ce soit lors de mes séances de recherche aux archives à Nevers ou par l’intermédiaire du Fil d’Ariane).

Je vais à présent vous exposer les différents types d’actes exploités et leur intérêt en généalogie immobilière.

Les ventes, les échanges et les adjudications

Parmi les immanquables pour retracer l’histoire des maisons, on trouve évidemment les actes de vente et les échanges.

En plus de nous informer sur l’identité du vendeur et de l’acheteur, ou des « échangistes » (si, si, je vous assure, j’ai croisé ce terme dans un acte !), ils nous proposent aussi une description du bien, par exemple : « une chambre à foyer, grenier dessus, avec deux toits à porcs, cour pardevant, jardin à côté« .

Un point particulièrement intéressant est l’étude des confins : le notaire prenait systématiquement soin de situer les biens par rapport à ce qui les entourait « du levant, du midi, du couchant et du nord« . En cas de doute sur la localisation ces informations sont précieuses !

Ces actes précisent aussi systématiquement l’origine de propriété, de manière plus ou moins précise : on a parfois un acte daté (qu’il ne reste plus qu’à aller chercher), parfois une simple indication (par exemple « comme l’ayant recueilli de la succession de sa mère« ). Information à ne pas manquer donc !

Dans un genre un peu différent, mais avec le même effet, on trouve les adjudications, lorsque les biens sont vendus aux enchères (que ce soit suite à une saisie immobilière ou dans d’autres circonstances).

Les donations-partages, les partages et les licitations

A égalité avec les ventes en termes d’intérêt, on trouve les partages :

  • partages réalisés entre les frères et sœurs suite au décès de leurs parents
  • donation entre vifs à titre de partage anticipé réalisée par les parents de leur vivant

Ces documents donnent des informations similaires aux actes de vente, si ce n’est qu’on voit comment les biens se transmettent au sein d’une même famille. Dans le cas des partages anticipés, les parents se réservent souvent l’usufruit des biens donnés « jusqu’au décès du dernier vivant« . Alternativement, la donation se fait en échange d’une rente viagère due par les enfants à leurs parents.

Il n’est pas rare que certains biens restent en indivision entre plusieurs frères et sœurs. Une vente à titre de licitation peut s’ensuivre, au cours de laquelle l’un des enfants rachète les droits de ses frères et sœurs.

A noter que parfois les partages se font de manière originale : des maisons se retrouvent coupées en deux, un frère obtenant la moitié située au levant, et l’autre la moitié située au couchant…

Les baux, les résiliations de bail et les congés

J’ai trouvé plusieurs actes impliquant des baux en effectuant mes recherches : bail à moitié, bail à ferme, résiliation de bail, congé… Le principal intérêt de ces actes est qu’ils permettent de connaître les locataires des maisons (lorsqu’elles n’étaient pas occupées par leur propriétaire), ainsi que leur période d’occupation.

Ils n’offrent généralement qu’une description très sommaire des biens loués, typiquement « un petit bien consistant en bâtiments d’habitation et d’exploitation, cours aisances, jardin, ouches, prés et terres que le preneur a dit parfaitement connaître. » Voilà qui ne nous renseigne pas beaucoup…

Ceci dit dans les quelques cas où un même propriétaire possédait plusieurs maisons, ces descriptions m’ont tout de même aidée à déterminer laquelle était habitée par le propriétaire et laquelle était louée, que ce soit par des éléments de description (tel la présence d’une cave) ou par un surnom (la maison « dite du domaine » ou tout simplement « la nouvelle maison »).

Les inventaires

Les inventaires après décès restent intéressants, même s’ils se focalisent sur les biens meubles et non sur l’immobilier. Je citerais deux points en particulier :

  • ils permettent de visiter virtuellement la maison, pièce par pièce, et de voir comment elle était meublée et décorée ;
  • ne passez surtout pas à côté de l’inventaire des papiers ! Nos ancêtres gardaient presque toujours leur acte de propriété, et cette section donne donc de précieuses références pour remonter dans le temps en identifiant d’autres actes notariés pertinents.

Actes divers : traités, transactions et testaments

De manière plus anecdotique, on peut citer les traités et transactions. J’ai ainsi mis la main sur un traité entre deux voisins dont le mur mitoyen était en mauvais état et qui se mettaient d’accord sur les travaux à réaliser, le tout assorti d’une description détaillée des bâtiments. Une autre transaction, cette fois entre un propriétaire et son fermier, constate le mauvais état dans lequel le fermier précédent avait laissé les biens.

Les contrats de mariage ne contiennent que rarement des informations intéressantes pour l’histoire des maison. Il en va de même des testaments, à moins qu’ils ne donnent une description du lieu de vie de la personne. J’ai ainsi eu une fois la surprise de trouver un couple dans une maison à laquelle je ne m’attendais pas : « assise sur une chaise placée près de la cheminée dans une chambre à feu au rez de chaussée éclairée par deux croisées donnant sur la cour et appartenant à Antoine Thomas dit le jeune propriétaire demeurant à Vauclaix et où Mr et Mad Chapuis habitent momentanément« .

Bilan

Vous aurez compris que les archives notariées sont d’une richesse inestimable pour l’histoire des maisons, que ce soit pour obtenir leur description, leurs confins ou leur transmission, et même les locataires qui les occupent. En cas d’erreur dans le cadastre (ce qui peut arriver comme je vous l’ai expliqué la semaine dernière), ils permettent de remettre les choses au carré. Bref, les archives des notaires resteront je crois toujours ma source préférée !

Pour moi le travail n’est pas fini : comme je vous l’ai dit, j’ai exploité les archives de l’étude de Montreuillon de 1842 à 1898, mais il me reste encore bien des choses à chercher ! Certains actes me manquent sur cette période, car ils ont probablement été passés dans une autre étude (à noter que j’en ai déjà récupéré quelques uns ponctuellement passés à Mouron, Lormes et Corbigny). Je vais cette fois devoir m’attaquer à l’enregistrement pour les dénicher ! Et je compte aussi m’intéresser à la période antérieure à 1842 pour remonter plus loin dans le temps et compléter l’histoire de Marigny. Mais ça devra attendre mes prochaines visites aux Archives Départementales de la Nièvre !

Et ce qu’il y a de bien avec ce projet, c’est qu’en plus j’ai pu récupérer un bon nombre d’actes passés à Montreuillon, n’ayant certes rien à voir avec Marigny, mais concernant mes ancêtres 🙂

6 réflexions sur “#ChallengeAZ : de l’utilisation des actes notariés

  1. Je ne peux que valider ton troisième tuto ! J’ai croisé des pages et des pages d’évolutions immobilières dans certains inventaires avec des « origines de propriété » qui remontaient parfois très loin. Quant aux échangistes… j’en ai croisés aussi, en mode « attends j’ai dû mal voir qu’est-ce que je viens de lire là ? » 😂😂😂

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