U comme Une : la maison de l’Henri et la petite maison LABORDE

Les deux maisons dont je vais vous parler ici n’en formaient qu’Une à l’origine. Il s’agit de la maison de l’Henri et de la petite maison LABORDE.

La maison de l’Henri (à gauche) et la petite maison LABORDE (à droite) – Collection personnelle

Lors de l’établissement du cadastre en 1839, la parcelle G8-81 correspondait à la maison et au bâtiment de Léonard CHAPUIS, époux d’Antoinette MINEAU. Léonard était également propriétaire de la maison de la Mémène (G8-83 – lettre B), dans laquelle il habitait ; la maison mise en avant dans le billet d’aujourd’hui était occupée par des fermiers.

Le corps de bâtiment appartenait à l’origine à Claude MINEAU et Françoise GAULON, les grands-parents de Léonard et Antoinette (qui étaient cousins germains !).

Un traité daté du 2 août 1843 passé avec leur voisin Léonard GAULON (voir maison PERRINE – lettre R pour plus de détails) nous apprend que la partie droite de la bâtisse (l’actuelle petite maison LABORDE) était alors une grange et que l’avancée qui s’imbriquait dans la parcelle G8-82 par l’arrière correspondait à « trois petits toits avec le grenier à foin au dessus« . Léonard CHAPUIS y affirme avoir « l’intention de faire une cheminée du coté du mur pignon projeté qui fait face à sa grange« .

La maison occupée par les fermiers était donc située sur la gauche au niveau de la maison de l’Henri.

Les locataires

Voici les locataires que j’ai réussi à identifier jusque là :

Pierre DURUISSEAU : 1834-1840

Un bail est passé le 30 novembre 1834 entre Léonard CHAPPUIS (en son nom et ceux d’Antoinette MINEAU son épouse, et Jeanne PREVOTAT veuve de Nicolas MINEAU sa belle-mère) et Pierre DURUISSEAU, cultivateur à l’Huis Seuillot, et Jeanne MINEAU sa femme. Léonard se réserve « 1° la maison habitée par le bailleur, la cour en dépendant et le toit à porcs qui tient à la grange, 2° le jardin qui tient à l’écurie des bœufs. » Le bail sera résilié le 9 février 1840.

Pierre JOLY : 1842-1844

Le 13 avril 1842, Léonard CHAPPUIS propriétaire à Marigny, réalise un bail à moitié avec Pierre JOLY laboureur à l’Huy Baudon commune de Gâcogne et sa femme. Ce bail sera résilié le 17 février 1844.

Jean TOURNOIS : 1856-1862

Le 7 mars 1856, un nouveau bail à ferme est signé avec Jean TOURNOIS, laboureur, et Marie GRAILLOT sa femme demeurant à Chassy, pour :

« Tous les biens immeubles appartenant au bailleur et à la dite Antoinette Migneau sa femme, au territoire de Marigny finage des communes de Montreuillon et Mhère consistant en bâtiments, cours, aisances, jardin, ouches, prés et terres.
Tels que les dits biens s’étendent et comportent, les preneurs ayant déclaré les bien connaitre, sans du tout rien réserver sinon 1° la maison habitée par le bailleur avec la cave à côté et le poulailler qui est sur la cave
[il s’agit de la maison de la Mémène – lettre B] 2° le plus petit des toits à porcs qui se trouve à coté des batimens de Gaulon 3° le jardin qui est dans le dessous du village et l’écheintre derrière le moulin […] 6° le droit de laisser jusqu’au vingt quatre juin prochain tous le mobilier que les bailleurs ont actuellement dans une petite maison à Marigny, autre que celle qu’ils habitent [il s’agit de la maison de l’Henri], avec le grain qui se trouve dans les coffres. […]
Les preneurs logeront dans une maison qui leur appartient audit Marigny
[il s’agit d’une des maisons VIGNERON – lettre I] jusqu’à ce qu’ils puissent habiter la maison neuve que le bailleur devra faire construire à leur première réquisition. […]
Le bailleur aura le droit de faire batir attenant le toit à porcs une maison avec une chambre
[il s’agit de la future petite maison LABORDE – celle de droite] et il sera tenu de la faire dès qu’il en sera requis par les preneurs. Tous les journaux et voitures nécessaires pour sa construction devront être fournis sans rétribution par les preneurs dans le cours du bail, mais à l’époque seulement qu’ils fixeront.« 

La maison sera détruite en 1861 et reconstruite la même année, s’étendant à présent à la petite maison LABORDE.

Le bail est résilié le 25 janvier 1862 après six années.

Nicolas PERRIN : 1862-?

Le 29 avril 1862, c’est au tour de Nicolas PERRIN, propriétaire, et Marie FAULIAUX sa femme demeurant à Mouas commune de La Collancelle de signer un bail. Le couple CHAPUIS se réserve à nouveau la maison (de la Mémène – lettre B), la cave, le poulailler et le petit toit à porcs.

On notera dans les conditions du bail que les preneurs « feront sans aucune rétribution tous les journaux et voitures qui pourront être nécessaires pour les réparations des bâtiments affermés et réservés à la reconstruction d’un mur seulement qui viendrait à s’écrouler dans un bâtiment, ainsi que pour la construction d’un four dont la gueule et la fournaise sont déjà faits et de deux petites écuries pour l’utilité des preneurs si le bailleur voulait en édifier, plus d’un mur pignon dans la bergerie qui se trouve dans le dessous du village. […] Ils ameneront aussi la pierre de taille nécessaire pour faire une croisée dans la maison habitée par le bailleur et ce sans aucune rétribution, mais sans être tenus de fournir à cet égard plus d’une voiture. Ils conduiront aussi de même la terre dont il sera besoin pour remblayer la cour devant la maison neuve« .

Retour (temporaire) de Léonard CHAPUIS

C’est ensuite Léonard CHAPUIS lui-même qui vient s’installer dans la maison neuve avec sa femme Antoinette MINEAU. Les locataires suivants (Pierre TRAMECON et Françoise GUYOLLOT) iront s’installer dans la maison de la Mémène (lettre B), comme nous l’indique le bail signé le 11 janvier 1873 dans lequel les CHAPUIS louent tous leurs biens situés à Marigny et à Oussy, « sans du tout rien réserver, sinon […] 2° la maison neuve habitée par les époux Chapuis, avec sa cour mais avec la condition que les preneurs jouiront seuls et exclusivement du grenier regnant sur ladite maison 2°bis le plus petit des toits à porcs qui se trouvent derrière cette maison 3° la cave à coté de la maison affermée 4° le grenier qui regne sur cette maison […] 10° la faculté pour les mêmes de laisser pendant tout le cours du bail deux ouvriers dans la maison affermée.« 

Lors du recensement de 1876, la maison est donc occupée par Léonard CHAPUIS, son épouse Antoinette MIGNEAU et leur fils Claude. C’est toujours le cas en 1881.

Etienne GRAILLOT : 1884-1890

Léonard CHAPUIS et Antoinette MIGNEAU retourneront par la suite dans leur maison d’origine, après avoir vécu provisoirement dans la maison PANNETIER (lettre K). A croire qu’ils aiment déménager !

Le 31 mai 1884, ils établissent un bail avec Etienne GRAILLOT, propriétaire, et Marie GALLOIS son épouse demeurant à Marigny (ils étaient précédemment fermiers dans la maison du Pitaine – lettre T), pour des biens « consistant en bâtiments d’habitation et d’exploitation, cours, aisances, jardins, prés et terres, tels que les immeubles s’étendent et comportent ; les preneurs déclarant les bien connaître pour les avoir vus et visités, sans du tout rien réserver, si ce n’est […] 2° la maison encore habitée par les époux Chapuis avec sa cour servant autrefois d’habitation à l’ancien fermier Trameçon, de sorte que les fermiers entrés auront celle qui était occupée par les bailleurs précédemment 3° le plus petit des toits à porcs qui se trouvent derrière cette maison 4° la cave à côté de la maison des bailleurs.« 

En 1886, la maison est occupée par Etienne GRAILLOT, fermier, son épouse Marie GALLOIS, leurs enfants Léonard, François, Adolphe, Louis et Louise.

La famille GRAILLOT retournera à Oussy en 1890 à la fin de leur bail, où Marie GALLOIS décède le 28 mai 1891 à l’âge de 59 ans, suivie d’Etienne GRAILLOT le 31 décembre 1897 à l’âge de 73 ans.

Le partage

Les propriétaires de la maison, Antoinette MINEAU et Léonard CHAPUIS, décèdent respectivement le 18 septembre 1886 et le 2 janvier 1887.

Le partage de leurs biens est réalisé les 31 août et 22 septembre 1887.

  • Claude CHAPUIS, propriétaire à Marigny, hérite de la maison et des bâtiments situés à Oussy
  • Claude CHARNEAU cultivateur à Jerault, Pierre CHARNEAU cultivateur à Marigny et Jeanne CHARNEAU épouse de Toussaint GUDIN cultivateur à Tachely (les enfants de défunte Marie CHAPUIS épouse de Léonard CHARNEAU) héritent en indivision de la maison de l’Henri : « 1° une maison située aud Marigny habitée actuellement par les fermiers de la propriété présentement partagée (moins cependant la chambre faisant partie du troisième lot) laquelle maison se compose de la chambre à feu avec la cour devant de la largeur de lad chambre, grenier sur lad chambre et passage par derrière, lad maison joignant de levant la chambre du troisième lot ci-après et ses toits et aisances, de couchant la part de cour de l’écurie ci-après, de midi un grand chemin et de nord le chemin de desserte derrière lad chambre qui sera libre comme par le passé
    2° une grand écurie double avec les cour et aisance devant le tout contenant environ en superficie un are quarante centiare joint dans son ensemble de levant par les cour s et aisances la chambre ci-dessus de couchant par l’écurie la part de l’ouche Gadin ci-après, de midi un grand chemin et de nord la grange faisant partie du troisième lot dont mur séparatif mitoyen et les cours et aisances de lad grange deux bornes séparatives plantées en ligne droite du mur mitoyen à l’angle du pignon de lad chambre.
    « 
  • Jeanne CHAPUIS la jeune, épouse de Dominique LECLERC propriétaire et cultivateur à Fragny commune de Gâcogne, hérite de la petite maison LABORDE : « 1° la chambre qui est à côté de celle portée sur le deuxième lot et par laquelle elle a son entrée avec les toits devant et derrière ainsi que les cours et aisances devant et derrière aussi cette chambre avec fond joint de levant la maison du deuxième lot mur mitoyen entre et grenier sur lad chambre de couchant Renault de nord l’aisance et passage derrière et de midi le grand chemin
    2° la grange neuve joignant l’écurie du deuxième lot y compris l’emplacement qui est à côté au nord, mais à la charge de laisser à l’extrémité nord à partir de la terre à Boulandet cinq mètres de largeur pour la desserte de l’ouche Gadin ainsi qu’il sera dit lors des servitudes de passage. Lad grange joint de midi l’écurie du deuxième lot de nord Boulandet (par la partie affectée au passage) de couchant la portion de l’ouche Gadin ci-après et de levant les aisances et passages communs (mur mitoyen au midi avec l’écurie et part de cour bornée de ce mur en ligne droite à l’équarrie de la maison par deux bornes.
    « 
  • Jeanne CHAPUIS l’aînée, épouse de Pierre CHARNEAU propriétaire et cultivateur à Jerault commune de Vauclaix, hérite de la maison de la Mémène (lettre B).

Les héritiers CHAPUIS devront respecter le bail en cours avec les époux GRAILLOT-GALLOIS, mis en place en 1884 pour une durée de 6 ou 9 ans.

Il est stipulé que « le mur séparatif de la chambre du deuxième lot avec celle du troisième lot sera mitoyen et ce par allignement jusqu’à la toiture, chaque chambre aura son grenier limité par led mur les ouvertures pratiquées dans ced mur seront bouchées à frais communs. La maison du troisième lot n’aura aucun droit de passage sur celle du deuxième lot soit par l’intérieur soit sur la cour soit sur le grenier. Le propriétaire de la chambre du troisième lot devra donc faire des ouvertures chez lui et passer sur ses cours et aisances.« 

Le bail avec les époux GRAILLOT est résilié le 29 décembre 1889 avec prise d’effet le 1er mai 1890.

La maison de l’Henri

La partie gauche de la maison, correspondant à la maison de l’Henri, est revendue par les héritiers CHARNEAU à Etienne COLAS vers 1891.

Etienne COLAS est né le 1er février 1861 à Marigny, dans une maison qui a depuis été détruite et qui se trouvait derrière la maison de ma grand-mère (lettre W). Il a épousé Jeanne dite Marie JARDE le 26 avril 1890 à Montreuillon. Celle-ci était née le 1er juin 1871 à La Grignon.

Fiche matricule d’Etienne COLAS – AD58

La fiche matricule d’Etienne nous apprend qu’il a été passer quelque temps à Moissy-Cramayel et Lieusaint entre 1886 et 1893 avant de revenir à Marigny. C’est donc à son retour qu’il s’installe dans la maison.

Le couple va avoir huit enfants tous nés à Marigny :

Etienne COLAS décède le 18 juin 1925 à l’âge de 64 ans.

Les tables du recensement reflètent l’évolution du foyer en conséquence :

  • En 1896, la maison est habitée par Etienne COLAS, son épouse Jeanne JARDE et leurs enfants Marie-Louise et Ernest.
  • D’après la fiche matricule d’Etienne, la famille repart à Réau, ferme de Villaroches à partir de 1900. C’est sans doute ce qui explique que la maison est inhabitée en 1901.
  • Ils sont de retour lors du recensement de 1906, on retrouve Etienne COLAS, son épouse Marie JARDE, leurs enfants Marie-Louise, Francine et Maurice, ainsi qu’une pensionnaire Lucienne EMERY.
  • En 1911, ce sont Etienne COLAS, son épouse Marie JARDE, leurs enfants Francine, Maurice, Louis et Edmond, et toujours Lucienne EMERY.
  • En 1921, Etienne COLAS et son épouse Marie JARDE ne sont recensés qu’avec leurs deux filles Françoise et Marcelle. Louis est alors placé comme domestique chez Etienne BROT, dans la maison de ma grand-mère (lettre P). Maurice est placé chez la famille GRAILLOT à Oussy (dont il épousera la fille) ; Edmond est chez les FEBVRE à Saint-Maurice.
  • En 1926, Marie JARDE vit avec ses enfants Maurice et Marcelle COLAS. Louis et Edmond sont probablement placés ailleurs.
  • En 1931, Marie JARDE habite la maison avec ses enfants Edmond et Marcelle COLAS. Louis est placé chez la famille COPPIN aux Chaumes à Vauclaix.
  • En 1936, Marie JARDE vit avec son fils Edmond COLAS. C’est probablement au tour de Marcelle d’être placée quelque part comme domestique.

Jeanne dite Marie JARDE décède probablement entre 1938 et 1945. Edmond COLAS se marie en 1940 à Montreuillon avec Lucienne EMERY, une enfant de l’assistance précédemment employée comme domestique chez les PANNETIER (lettre K). Il est probable que Marcelle se soit mariée aussi même si je n’ai pas d’information à ce sujet.

C’est Marcelle qui devient propriétaire de la maison vers 1945 au décès de sa mère (elle vit alors hôtel de la Fontaine à Auxerre : il est probable que ce soit là qu’elle travaille). Edmond, qui est bûcheron, la rachète peu après et en devient propriétaire vers 1947.

Lors du recensement de 1946, la maison est occupée par Edmond COLAS, son épouse Lucienne EMERY et leur fils Pierre.

Pierre COLAS devient à son tour propriétaire de la maison vers 1961, sans doute suite à la mort de son père. Il revendra la maison à Henri RENAULT (qui habitait jusque là dans la maison de la Lilice – lettre A) vers 1966.

La petite maison LABORDE

Le 31 mars 1892, Jeanne CHAPUIS, épouse de Dominique LECLERC, vend la petite maison dont elle a hérité de ses parents à Reine BOUCHEPILLON, veuve de Philippe LABORDE :

« Une chambre à feu à prendre au levant d’une maison couverte en ardoises située au dit lieu de Marigny plus la partie de cour se trouvant devant cette chambre dans laquelle existe un toit à porcs ainsi que la partie de la cour se trouvant derrière la dite chambre dans laquelle existe également un toit à porcs et un poulailler enfin cinq ares cinquante centiares environ à prendre dans la partie se trouvant à la suite de cette cour d’une ouche appelée de la Croix avec tous les droits que peuvent avoir les vendeurs dans la fontaine se trouvant sous cette ouche, le tout joignant dans son ensemble eu levant Renault, au midi un chemin, au couchant Etienne Colas, et au nord Gauthé par une limite déterminée par le pignon de Jean Boulandet et une borne plantée sur la propriété d’Etienne Colas. »

Reine habitait précédemment dans la maison LABORDE (lettre L), plus bas dans le village, qu’elle laisse alors à son fils Pierre et sa famille. Reine BOUCHEPILLON s’installe dans la petite maison du haut où elle finira ses jours. On l’y retrouve seule aux recensements de 1896, 1901, 1906 et 1911.

Reine décède le 15 avril 1913 à l’âge de 71 ans.

La maison revient alors à Pierre LABORDE. Elle restera par la suite inoccupée et sera convertie en bâtiment rural en 1973, étant utilisée par la famille LABORDE comme un atelier.

Depuis les deux maisons ont à nouveau été réunies : elles n’en forment plus qu’une comme c’était le cas à l’origine.

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