Ce billet est à l’état « brouillon » depuis bien trop longtemps maintenant, donc je me prends par la main en ce 8 mai, jour de célébrations, pour le finaliser. La raison de cette procrastination est simple : il est pour moi particulièrement difficile d’écrire sur les personnes que j’ai connues. Jusque là je n’avais jamais tenté l’exercice, me contentant d’écrire sur les générations précédentes. Mais voilà : cet article va être consacré à mon Pépé, Christophe GOMES, et en particulier à la première moitié de sa vie.
Sa naissance au Portugal et ses premières années en France
Mon grand-père est né à Sobral de Mortágua (district de Viseu) au Portugal, le 9 mai 1919, il y a 100 ans (presque exactement). Il est fils d’Albano et de Maria da Encarnação, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer dans un précédent article.

Au milieu des années 1920, alors qu’il n’était qu’un enfant, la famille s’installe en France, dans le Morvan, d’abord sur la commune de Gâcogne (58), puis sur celle d’Ouroux-en-Morvan (58). Mon grand-père fera donc toute sa scolarité en France, et perdra peu à peu son portugais jusqu’à l’oublier complètement. Son prénom, « Custódio » sera bientôt francisé en « Christophe. »

Résistant : le Maquis Bernard
La deuxième Guerre Mondiale est déclarée l’année de ses vingt ans. Très vite, le Morvan se retrouve en zone occupée. Les temps sont durs, entre répressions, réquisitions, rationnement et privations.
Mais le Morvan, par ses caractéristiques géographiques (zone fortement boisée de moyenne montagne) offre un terrain idéal pour la résistance, et dès 1943, des maquis commencent à se former, attirant de nombreux jeunes hommes et femmes, qui souhaitent entre autre échapper au STO.
Le maquis qui va nous intéresser ici est le Maquis Bernard, qui naît au début de l’année 1944 et comptera jusqu’à 1200 hommes. Il mènera de nombreuses actions de sabotage, des embuscades et des batailles contre les troupes allemandes, bénéficiant de l’aide des habitants des hameaux alentour (hébergement des blessés, transport des parachutages, ravitaillement, cuisson du pain) et jouant un rôle capital dans la libération de la France.

Mon grand-père Christophe a rejoint le Bataillon Joseph, mené par Joseph Pelletier et dépendant du Maquis Bernard, le 23 août 1944. J’ai eu le bonheur de me procurer son dossier administratif de résistant au Service Historique de la Défense (cote GR 16 P 262159) par l’intermédiaire du Fil d’Ariane. Son appréciation indique qu’il « a participé à toutes les missions commandées par le chef. »


Je suis allée avec lui à l’emplacement du maquis, quelques années avant son décès. Il n’en reste guère de traces, mis à part un cimetière franco-britanique. Je ne sais que peu de choses des missions qu’il a réalisées (beaucoup d’actions de sabotage) ; je me souviens surtout d’une anecdote : à un moment il s’est retourné et m’a montré un endroit un peu plus loin. « Tu vois le creux du chemin là-bas ? Et bien un jour que les habitants nous avaient apporté à manger, c’est là que j’ai fait tomber tout le contenu de ma gamelle dans la boue. »

Mariage et naturalisation
Après la libération et la fin de la guerre, Christophe va épouser ma grand-mère, Lucile BROT, le 1er mai 1946 à Montreuillon (58). On m’a toujours dit que c’était un mariage d’amour ; elle aurait dû se marier avec un autre, mais lorsqu’elle l’a rencontré elle a mis fin à ses engagements pour l’épouser lui. L’argent se fait rare après la guerre, la robe de mariée sera donc « faite maison » :

Christophe sera naturalisé français le 16 septembre 1949 (décret 32146-47 d’après les relevés de Filae). Je n’ai pas encore récupéré les documents correspondants.
Epilogue
Le couple s’installe à Marigny, commune de Montreuillon (58), village d’origine de Lucile. Ils y seront cultivateurs et auront deux fils.
Ma mémé Lucile est décédée le 12 novembre 1991, à l’hôpital de Clermont-Ferrand (63), à l’âge de 66 ans, alors que je n’en avais que 6. Mon pépé Christophe est décédé dans son sommeil à Marigny le 14 août 2004, à l’âge de 85 ans, sans avoir jamais cessé de cultiver son jardin.

Tendre et bel hommage pour une « belle » personne au courageux parcours.
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Merci Fanny pour tes fidèles lectures et ton gentil commentaire !
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C’est un très bel hommage ! Un joli texte avec plein d’émotion. Quel bonheur que d’avoir pu entendre de sa voix l’anecdote de la gamelle dans le creux du chemin ; ces moments sont magiques.
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Merci beaucoup Béatrice ! Oui ce sont des souvenirs précieux…
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Une bien jolie histoire de courage et d’amour que tu nous contes là, Christelle !
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Merci Marie ! 😊
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Toujours très émouvant d’écrire un article sur des membres de sa famille que l’on a côtoyé. Mes grands parents étaient de la même génération et c’est vrai qu’ils ont mis beaucoup de silence sur leurs actions pendant le conflit de 39-45.
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C’est sûr qu’il n’en parlait pas beaucoup… Je suis d’autant plus contente d’être allée sur place avec lui !
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Une bien belle histoire. Merci Christelle pour ce récit
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Merci Patrick pour la lecture et ton commentaire !
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